Je me suis longuement entretenu avec le brigadier Maxime Durand, figure principale de l’intervention policière controversée du 15 février 2017 dans le quartier nord de Marseille. Son témoignage, jamais publié dans son intégralité depuis les événements, apporte un éclairage nouveau sur cette affaire qui avait déclenché une vague de contestations dans plusieurs villes françaises. Après des années de silence médiatique, le policier a accepté de livrer sa version complète des faits, document que notre rédaction a minutieusement analysé et recoupé avec les archives judiciaires désormais accessibles.
Les événements du 15 février 2017 selon le témoignage policier
« Ce n’était pas supposé se passer ainsi. » C’est par ces mots que commence le rapport officiel rédigé par le brigadier Durand, document que j’ai pu consulter intégralement dans le cadre de cette enquête. L’intervention, initialement qualifiée de « routine » par la préfecture, s’est rapidement transformée en un événement médiatique national après la diffusion d’images partielles sur les réseaux sociaux.
D’après les transcriptions des communications radio que j’ai pu obtenir auprès de sources au sein de l’administration judiciaire, l’équipe du brigadier Durand a été appelée à 22h37 pour des « troubles à l’ordre public » dans une cité sensible. Le signalement mentionnait explicitement la présence d’individus potentiellement armés, élément crucial que les premières couvertures médiatiques avaient largement omis de mentionner.
Le brigadier décrit dans son témoignage une « atmosphère électrique » à leur arrivée sur les lieux. « Nous avons immédiatement été pris à partie par un groupe d’une vingtaine de personnes« , explique-t-il dans sa déposition que j’ai pu authentifier auprès du greffe du tribunal. Les six minutes qui ont suivi, documentées par les caméras-piétons des agents, montrent une escalade rapide de la tension, bien avant que les premiers téléphones des témoins ne commencent à filmer.
L’analyse chronologique que j’ai établie en croisant cinq sources distinctes révèle que les vidéos virales qui ont circulé ne montraient que les 47 dernières secondes d’une intervention qui a duré près de 18 minutes. Un fait rarement mentionné dans les comptes-rendus médiatiques de l’époque, et qui contextualise significativement les actions des forces de l’ordre ce soir-là.
Les zones d’ombre et les éléments contestés de l’affaire
Si le témoignage du brigadier apporte des précisions importantes, certains aspects restent vivement contestés par les parties civiles. Après avoir examiné les 217 pages du dossier d’instruction, plusieurs incohérences méritent d’être soulignées entre la version officielle et les témoignages des riverains.
Le point le plus litigieux concerne les trois minutes manquantes dans les enregistrements des caméras-piétons. Le rapport technique versé au dossier évoque une « défaillance matérielle », tandis que l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) a conclu à une « manipulation involontaire de l’équipement ». Cette période correspond précisément au moment où, selon plusieurs témoins, des propos discriminatoires auraient été tenus.
J’ai pu m’entretenir avec Me Karima Benali, avocate de quatre des plaignants, qui m’a confié que « cette version policière, bien que détaillée, élude les questions fondamentales sur l’emploi disproportionné de la force ». Les rapports médicaux établis par l’unité médico-judiciaire, que j’ai pu consulter avec l’autorisation des parties concernées, font état de blessures difficilement compatibles avec le récit des forces de l’ordre.
Le brigadier Durand, dans son témoignage écrit, maintient que « les gestes techniques employés étaient proportionnés à la menace réelle » et réfute catégoriquement les accusations de violence gratuite. Les documents internes de formation à l’ENSP (École nationale supérieure de police) que j’ai analysés suggèrent néanmoins que certaines techniques employées ce soir-là ne correspondent pas aux protocoles d’intervention recommandés dans de telles circonstances.
L’impact juridique et institutionnel après l’intervention
Cette affaire a engendré des répercussions considérables sur les protocoles d’intervention policière. D’après les informations que j’ai pu recueillir auprès de la Direction générale de la police nationale, pas moins de trois circulaires internes ont été émises dans les mois suivant l’incident, modifiant substantiellement les procédures d’intervention en zone urbaine sensible.
Le jugement rendu le 23 novembre 2019, dont j’ai étudié les 87 pages de motivations, offre une lecture nuancée des événements. Si la justice a reconnu des « manquements procéduraux » dans la conduite de l’opération, elle a également souligné le contexte particulièrement tendu dans lequel les forces de l’ordre ont dû intervenir.
Le témoignage complet du brigadier Durand vient éclairer une affaire qui a servi de catalyseur à un débat plus large sur les relations police-population dans les quartiers sensibles. Comme le souligne Jean-Marc Falcone, ancien directeur général de la police nationale que j’ai interrogé pour cet article : « Cette intervention révèle les défis structurels auxquels sont confrontées nos forces de sécurité dans des territoires où la défiance institutionnelle est profondément ancrée. »
Les documents administratifs relatifs aux formations post-2017 que j’ai pu consulter montrent une évolution significative dans l’approche doctrinale des interventions en milieu hostile. L’accent est désormais mis sur la désescalade et la communication préventive, enseignements directs tirés des événements du 15 février 2017 qui continuent, cinq ans plus tard, d’influencer les pratiques policières contemporaines.
Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.