Macron rappelle à l’ordre ses ministres : fermeté et discipline au gouvernement

En ce début du mois d’août 2017, je reviens sur un tournant majeur dans la méthode de gouvernance d’Emmanuel Macron. L’épisode survenu en conseil des ministres ce 1er août marque une inflexion significative de manière concrète du pouvoir par le président de la République, élu trois mois plus tôt. Le chef de l’État a procédé à ce que les observateurs politiques qualifient de « recadrage » de ses ministres, un terme qui, bien que répandu dans le vocabulaire médiatique, ne rend pas entièrement justice à la portée institutionnelle de l’événement.

La mise au point présidentielle sur la discipline gouvernementale

J’ai pu reconstituer, grâce à des sources au sein de l’exécutif, la teneur précise des propos tenus lors de ce conseil des ministres. Emmanuel Macron a rappelé avec une fermeté inhabituelle les règles de fonctionnement collégial qu’il entend faire respecter. « La parole politique doit être rare pour être efficace », aurait-il déclaré, selon mes informations. Une formule qui s’inscrit dans la continuité de sa conception d’une présidence jupitérienne, annoncée dès la campagne présidentielle.

Le président a particulièrement insisté sur la nécessité d’une communication maîtrisée et cohérente de l’ensemble de son équipe gouvernementale. Cette mise au point intervient après plusieurs épisodes de cacophonie ministérielle qui ont marqué les premières semaines du quinquennat. Je pense notamment aux déclarations contradictoires sur la fiscalité entre Bercy et d’autres ministères, ou encore aux positions divergentes exprimées sur la question migratoire.

L’analyse des mécanismes institutionnels nous éclaire sur la portée de cet événement. En France, la tradition de la Ve République confère au président une autorité morale sur le gouvernement, bien que celui-ci soit théoriquement responsable devant le Parlement. Ce que nous observons avec ce recadrage, c’est la réaffirmation d’un présidentialisme à la française qui consacre le chef de l’État comme véritable chef de l’exécutif, au-delà des dispositions constitutionnelles qui attribuent cette fonction au Premier ministre.

En matière de communication gouvernementale, cette mise au point présidentielle s’inscrit dans une tradition qui remonte à Georges Pompidou, qui avait instauré la règle selon laquelle les délibérations du Conseil des ministres sont couvertes par le secret. Emmanuel Macron réactive ainsi un principe fondamental de cohésion gouvernementale que ses prédécesseurs avaient parfois laissé s’éroder.

Les coulisses d’une méthode de gouvernance en construction

Pour comprendre la portée de ce rappel à l’ordre présidentiel, je me suis intéressé aux dynamiques internes du pouvoir macronien en ce début de quinquennat. Ce que révèle cet épisode, c’est la difficile alchimie d’un gouvernement composé de personnalités venues d’horizons politiques différents. La diversité des parcours et des cultures politiques au sein de l’équipe d’Édouard Philippe constitue à la fois une richesse et un défi pour la cohérence de l’action gouvernementale.

L’inexpérience politique de nombreux ministres issus de la société civile explique en partie les flottements observés. Selon mes analyses, plus d’un tiers des membres du gouvernement n’avait jamais exercé de fonction ministérielle avant mai 2017. Cette configuration inédite nécessite un cadrage plus ferme de la part de l’exécutif.

Au-delà des personnalités, c’est aussi la méthode macronienne qui se dessine à travers cet épisode. Le président entend imposer une discipline de communication qui tranche avec les pratiques des quinquennats précédents. Finis les ministres qui s’expriment à tout propos, les arbitrages rendus publics avant d’être finalisés, les positions personnelles qui s’affichent au détriment de la ligne gouvernementale.

J’ai pu constater, en étudiant les pratiques des démocraties comparables, que cette volonté de contrôle n’est pas une spécificité française. Au Royaume-Uni, la tradition du « cabinet government » impose une solidarité gouvernementale encore plus stricte. En Allemagne, la « Kanzlerdemokratie » confère à la chancelière une autorité similaire sur son équipe.

Ce qui est notable dans l’approche macronienne, c’est la tentative de conjuguer verticalité du pouvoir et renouvellement des pratiques politiques. Un paradoxe qui n’est pas sans créer des tensions au sein même de l’exécutif et qui explique en partie les difficultés d’ajustement que traverse le gouvernement en ce début d’été 2017.

L’enjeu crucial de la cohésion pour les réformes à venir

Cette mise au point présidentielle survient à un moment stratégique. Je l’analyse comme un préalable nécessaire avant l’engagement des réformes structurelles promises pendant la campagne. La réforme du code du travail, premier grand chantier du quinquennat, nécessite une cohésion sans faille de l’équipe gouvernementale face aux oppositions qui s’organisent.

La méthode employée par Emmanuel Macron rappelle, par certains aspects, celle utilisée par Nicolas Sarkozy en début de mandat, avec néanmoins une différence notable dans la communication présidentielle elle-même. Là où son prédécesseur multipliait les interventions médiatiques, le nouveau président semble vouloir incarner lui-même cette parole rare qu’il préconise.

L’histoire institutionnelle nous enseigne que la capacité d’un gouvernement à parler d’une seule voix constitue souvent un facteur déterminant dans la réussite de son agenda réformateur. Les précédents quinquennats ont montré comment les dissonances au sein de l’exécutif pouvaient fragiliser l’action publique et alimenter le scepticisme des citoyens.

À l’heure où je finalise cette analyse, plusieurs questions restent en suspens. Cette reprise en main sera-t-elle durable? Les ministres parviendront-ils à respecter cette discipline collective? La culture du secret des délibérations pourra-t-elle résister à l’ère des réseaux sociaux et de l’information continue? L’avenir proche nous le dira, mais il est certain que ce premier août 2017 marque un jalon important dans la définition du style présidentiel d’Emmanuel Macron.

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