Les élections européennes de 2019 ont rebattu les cartes des alliances politiques au sein du Parlement européen. J’observe depuis plusieurs mois un phénomène inédit : la montée en puissance des formations conservatrices et nationalistes, susceptibles de former un nouveau bloc de droite influent. Après des décennies de domination des partis traditionnels du centre, l’heure est au questionnement sur la capacité des différentes droites à s’unir pour peser dans les décisions européennes.
Configuration politique des droites européennes
L’analyse du paysage politique européen révèle une fragmentation significative des forces de droite. Le **Parti populaire européen (PPE)** constitue historiquement le pivot central, regroupant les formations de droite modérée et démocrates-chrétiennes. Angela Merkel en Allemagne ou Viktor Orbán en Hongrie illustrent cette diversité au sein même du PPE, avec des positionnements parfois antagonistes sur des sujets cruciaux comme l’immigration ou la souveraineté nationale.
Plus à droite, le groupe des **Conservateurs et Réformistes européens (CRE)** rassemble des partis eurosceptiques modérés, dont les Polonais du PiS (Droit et Justice) représentent l’une des principales forces. Ce groupe défend une vision confédérale de l’Europe, privilégiant la souveraineté des États-nations. J’ai pu constater lors de mes entretiens avec plusieurs de leurs représentants une méfiance marquée envers tout fédéralisme européen excessif.
À l’extrême droite de l’échiquier, le groupe **Europe des Nations et des Libertés (ENL)** regroupe des formations nationalistes comme le Rassemblement National français ou la Lega italienne. Ces partis partagent une opposition frontale au projet européen tel qu’il est actuellement conçu, tout en voulant le réformer de l’intérieur plutôt que de prôner une sortie pure et simple.
Mon expérience de couverture des institutions européennes m’a permis d’observer que cette fragmentation répond à des clivages idéologiques profonds : *l’attitude face à la Russie divise profondément les Polonais du PiS et les Italiens de la Lega*, tandis que *la question israélienne crée des tensions entre certains partis d’Europe occidentale et orientale*. Ces divergences rendent complexe toute tentative d’alliance structurelle durable.
Potentiels et obstacles à une alliance des droites
Les sondages et analyses que j’ai consultés indiquent que les différentes formations de droite pourraient théoriquement constituer une force politique majeure si elles parvenaient à s’unir. **L’addition des sièges du PPE, des CRE et de l’ENL représenterait potentiellement la première force politique européenne**, capable de peser considérablement sur la désignation des commissaires européens et sur l’orientation des politiques communautaires.
Néanmoins, les obstacles à une telle alliance sont nombreux et substantiels. Les questions de fond divisent profondément ces formations politiques. Lors de mes enquêtes sur le fonctionnement du Parlement européen, j’ai pu documenter des positions irréconciliables sur des sujets fondamentaux comme *l’avenir de l’intégration européenne, la question migratoire ou les relations avec la Russie*.
Le cordon sanitaire établi par le PPE vis-à-vis des formations les plus à droite constitue un obstacle majeur. Plusieurs de mes sources au sein du PPE m’ont confirmé leur refus catégorique de collaborer avec des partis qu’ils considèrent comme extrémistes. Cette ligne rouge s’explique par la volonté de préserver une légitimité institutionnelle et une capacité à négocier avec les forces centristes.
Les **rivalités personnelles et stratégiques entre les leaders nationaux** compliquent également la donne. Matteo Salvini, Marine Le Pen ou Viktor Orbán cultivent chacun des ambitions qui peuvent s’avérer contradictoires, notamment dans leur positionnement face au pouvoir européen et dans leur stratégie nationale respective.
Perspectives d’évolution post-2019
L’évolution de la configuration européenne dépendra largement des résultats électoraux nationaux dans les années à venir. Mes observations du terrain politique européen suggèrent que la montée des partis conservateurs et nationalistes pourrait se poursuivre, notamment sous l’effet des *crises migratoires, économiques et identitaires qui traversent le continent*.
Les négociations pour la formation des groupes parlementaires après les élections européennes seront déterminantes. Si **le PPE maintient sa position dominante** mais perd des sièges, la tentation d’une ouverture vers sa droite pourrait grandir, surtout face à la perspective d’une coalition de gauche renforcée.
J’ai pu noter lors de mes entretiens avec différents acteurs politiques européens que les lignes rouges semblent moins rigides qu’auparavant. La **normalisation progressive de certains discours autrefois considérés comme radicaux** sur l’immigration ou la souveraineté nationale pourrait faciliter des rapprochements tactiques, à défaut d’alliances structurelles.
Le Brexit constitue également un facteur majeur de recomposition. Le départ des députés britanniques conservatives modifie l’équilibre des forces au sein du groupe CRE et pourrait pousser certaines formations à se rapprocher soit du PPE, soit des groupes plus eurosceptiques.
En définitive, si une alliance formelle des droites européennes semble peu probable à court terme, des coalitions ponctuelles sur certains sujets précis apparaissent comme une hypothèse réaliste. L’avenir politique de l’Union européenne se dessinera dans cette tension permanente entre pragmatisme institutionnel et affirmations identitaires nationales.

Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.