J’ai récemment redécouvert les écrits de Robert Brasillach, cette figure aussi brillante que controversée de la critique cinématographique française. L’homme a laissé une empreinte indélébile sur la façon dont nous analysons et comprenons le septième art dans l’Hexagone. En plongeant dans ses archives, j’ai été frappé par la modernité de son approche critique, bien que ses écrits datent principalement des années 1930 et 1940. Loin des simples comptes-rendus journalistiques, Brasillach proposait une **véritable analyse culturelle et politique du cinéma** qui continue d’influencer la critique contemporaine.
Brasillach, un intellectuel fasciné par le cinéma naissant
Robert Brasillach, né en 1909, s’est imposé dès les années 1930 comme l’un des critiques cinématographiques les plus perspicaces de sa génération. Normalien, écrivain et journaliste, il a déployé ses talents d’analyse dans les colonnes de plusieurs publications, dont *L’Action française* et *Je suis partout*. Mon travail d’investigation m’a permis de constater que sa passion pour le cinéma allait bien au-delà d’un simple intérêt professionnel. Pour cet intellectuel de droite, le septième art représentait une véritable révolution culturelle qu’il fallait prendre au sérieux.
Ce qui distingue fondamentalement Brasillach de ses contemporains, c’est sa capacité à percevoir le cinéma comme un **art total aux implications politiques profondes**. Contrairement à de nombreux critiques de l’époque qui considéraient encore le médium comme un divertissement mineur, il y voyait un puissant vecteur d’idées et d’émotions. Dans ses chroniques, il scrutait avec une précision remarquable les films soviétiques, allemands, italiens ou américains, analysant leur esthétique mais aussi leur portée idéologique.
Sa collaboration avec Maurice Bardèche pour l’écriture de *l’Histoire du cinéma* (1935) constitue un jalon important dans l’historiographie cinématographique française. En examinant ce document fondateur, j’ai pu mesurer à quel point leur travail a établi une méthode d’analyse qui continue d’influencer la critique contemporaine. Brasillach portait une attention particulière à la dimension artistique des films, reconnaissant la valeur des œuvres expressionnistes allemandes tout comme celle du réalisme poétique français.
Durant mes recherches dans les archives nationales, j’ai été particulièrement marqué par sa défense précoce de certains cinéastes aujourd’hui universellement reconnus. Sa compréhension intuitive des nouvelles grammaires visuelles proposées par des réalisateurs comme Fritz Lang, Jean Renoir ou Charlie Chaplin témoigne d’une *sensibilité artistique exceptionnelle* qui transcendait parfois ses propres positions idéologiques.
Le regard novateur d’un critique visionnaire
Au fil de mes investigations sur ses méthodes critiques, j’ai constaté que Brasillach avait développé une approche singulière de l’analyse filmique. Là où beaucoup se contentaient de résumer l’intrigue, il s’attachait à décrypter la **mise en scène comme expression d’une vision du monde**. Cette méthode, qui peut paraître évidente aujourd’hui, était novatrice dans les années 1930. Je suis convaincu, après avoir épluché des centaines de ses chroniques, que cette approche a contribué à élever le statut du cinéma dans le paysage culturel français.
Sa critique se caractérisait par une écriture élégante, incisive et parfois provocatrice. Loin des considérations purement techniques, il cherchait à comprendre comment les films traduisaient l’air du temps, les angoisses collectives ou les aspirations d’une époque. Cette dimension sociologique de son travail critique reste d’une *pertinence étonnante* pour comprendre l’évolution du cinéma européen de l’entre-deux-guerres.
Brasillach était particulièrement sensible à la dimension poétique du cinéma. Dans ses analyses des films de Jean Cocteau ou de Marcel Carné, il prouvait une compréhension profonde de la façon dont les images en mouvement pouvaient créer un langage artistique autonome. En parcourant ses écrits sur le réalisme poétique français, j’ai été frappé par sa capacité à identifier ce qui faisait la spécificité et la force du cinéma hexagonal.
L’influence de Brasillach sur la critique cinématographique s’est étendue bien au-delà de son époque. Ses méthodes d’analyse, son attention à la forme comme au fond, ont nourri des générations de critiques français. Si la **politique des auteurs** développée par les Cahiers du Cinéma dans les années 1950 doit beaucoup aux critiques anglais et américains, elle s’inscrit aussi dans une tradition française à laquelle Brasillach a largement contribué.
L’héritage complexe d’un critique controversé
L’engagement politique de Brasillach durant l’Occupation et sa condamnation à mort en 1945 ont longtemps occulté son apport à la critique cinématographique. Comme journaliste spécialisé dans l’analyse des institutions et des mécanismes de pouvoir, je ne peux ignorer cette dimension. Son parcours illustre de manière *tragique* comment un intellectuel brillant peut mettre son talent au service d’idées funestes.
Pourtant, son influence sur la critique de cinéma mérite d’être étudiée indépendamment de ses positions politiques. Dans les colonnes des revues spécialisées d’après-guerre, on retrouve des échos de sa méthode critique, de son style et de ses préoccupations esthétiques. André Bazin lui-même, figure tutélaire de la critique française moderne, développera certaines intuitions déjà présentes chez Brasillach concernant le **réalisme cinématographique et sa portée éthique**.
En examinant les archives de la presse cinématographique d’après-guerre, j’ai constaté que l’influence de Brasillach persiste, même si elle n’est que rarement reconnue explicitement. Sa conception du cinéma comme art populaire mais exigeant, capable de toucher les foules tout en proposant une vision du monde cohérente, reste au cœur de la critique française.
Aujourd’hui, la redécouverte des écrits cinématographiques de Brasillach soulève des questions essentielles sur la séparation entre l’œuvre et l’homme, entre l’analyse esthétique et l’engagement politique. Ce débat complexe traverse l’histoire de notre rapport aux intellectuels compromis dans les heures sombres de notre histoire. Sans pouvoir y apporter de réponse définitive, je reste convaincu que son apport à la *compréhension du langage cinématographique* constitue un chapitre incontournable de l’histoire de la critique en France.
Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.