Le conflit qui secoue le Haut-Karabakh depuis fin septembre 2020 ravive des tensions historiques entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. J’observe depuis plusieurs semaines une offensive azerbaïdjanaise d’une ampleur sans précédent, laissant l’Arménie dans une position délicate sur l’échiquier géopolitique régional. En analysant les événements qui se déroulent actuellement, je constate que les forces arméniennes tentent de résister seules face à un adversaire bénéficiant d’un soutien international plus marqué, notamment de la Turquie.
Les origines d’un conflit territorial persistant
Pour saisir pleinement les enjeux actuels, il est nécessaire de revenir aux racines de cette confrontation. L’enclave du Haut-Karabakh, territoire à majorité arménienne mais rattaché à l’Azerbaïdjan durant l’ère soviétique, est au cœur d’un différend qui s’est cristallisé après l’effondrement de l’URSS. La première guerre du Haut-Karabakh (1988-1994) avait abouti à une victoire militaire arménienne, permettant l’établissement d’une république autoproclamée – l’Artsakh – non reconnue par la communauté internationale.
Les accords de cessez-le-feu signés à Bichkek en 1994 avaient gelé le conflit sans pour autant résoudre les revendications territoriales des deux parties. Depuis lors, la ligne de contact a régulièrement été le théâtre d’accrochages, avec une escalade notable en 2016 lors de la « guerre des quatre jours ». Les négociations menées par le Groupe de Minsk de l’OSCE n’ont jamais permis d’aboutir à une solution durable, laissant cette région du Caucase dans un état de conflit latent.
J’ai pu constater, en analysant les archives diplomatiques, que l’impasse des pourparlers s’explique en grande partie par l’intransigeance des positions: Bakou revendique sa souveraineté sur ce territoire internationalement reconnu comme azerbaïdjanais, tandis qu’Erevan défend le droit à l’autodétermination de la population arménienne locale. Cette divergence fondamentale a rendu inopérantes toutes les tentatives de médiation internationale ces trois dernières décennies.
L’offensive azerbaïdjanaise de 2020 et ses implications stratégiques
Le 27 septembre 2020, les hostilités ont repris avec une intensité inédite. L’Azerbaïdjan, sous la direction du président Ilham Aliyev, a lancé une offensive d’envergure visant à reprendre le contrôle du Haut-Karabakh. Contrairement aux précédents épisodes de violence, cette opération militaire a pour particularité sa préparation méthodique et son ampleur. Les forces azerbaïdjanaises bénéficient d’un armement modernisé, financé par les revenus pétroliers du pays, incluant notamment des drones de combat turcs Bayraktar TB2 qui ont démontré leur efficacité sur d’autres théâtres d’opérations.
Le soutien turc à l’Azerbaïdjan constitue un facteur déterminant dans ce conflit. Au-delà de l’assistance matérielle, Ankara apporte un appui diplomatique et médiatique constant à Bakou. Des rapports crédibles évoquent également la présence de mercenaires syriens déployés par la Turquie pour renforcer les rangs azerbaïdjanais, bien que cette information soit fermement démentie par les autorités concernées.
Face à cette alliance, l’Arménie se retrouve dans une position d’isolement diplomatique préoccupant. La Russie, pourtant liée à Erevan par un traité de défense mutuelle via l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), maintient une position ambiguë. Moscou limite son intervention à des appels au cessez-le-feu, soulignant que ses obligations défensives ne s’appliquent pas au territoire contesté du Haut-Karabakh. Cette prudence russe s’explique par sa volonté de préserver ses relations avec l’Azerbaïdjan et la Turquie, partenaires économiques et stratégiques importants.
La résistance arménienne face à un rapport de forces défavorable
Sur le terrain, les forces arméniennes et celles de la république autoproclamée de l’Artsakh tentent de contenir l’avancée azerbaïdjanaise dans des conditions extrêmement difficiles. La supériorité technique et numérique de l’armée azerbaïdjanaise place les défenseurs dans une position de résistance désespérée sur plusieurs fronts. Les pertes humaines s’accumulent des deux côtés, avec des bilans particulièrement lourds pour l’Arménie.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a lancé plusieurs appels à l’aide internationale, dénonçant ce qu’il qualifie de « nettoyage ethnique » en préparation. Par contre, ces appels n’ont guère trouvé d’écho concret auprès des grandes puissances. Les États-Unis, absorbés par leur campagne présidentielle, et l’Union européenne, divisée sur la question, se contentent de déclarations appelant à la désescalade sans prendre position ferme en faveur de l’une ou l’autre partie.
La diaspora arménienne, particulièrement active en France et aux États-Unis, tente de mobiliser l’opinion publique internationale. Des manifestations de soutien se multiplient dans plusieurs capitales occidentales, mais leur impact reste limité sur les décisions politiques. J’ai pu observer que cette mobilisation, bien que significative, peine à contrebalancer les intérêts géostratégiques et économiques qui dictent les positions des grandes puissances dans la région.
Dans cette épreuve, la résistance arménienne s’appuie essentiellement sur ses propres forces, sur le soutien moral de sa diaspora et sur l’espoir d’une intervention diplomatique qui tarde à se concrétiser. Cette situation illustre tragiquement les limites d’un ordre international où les principes du droit international cèdent souvent le pas aux considérations pragmatiques de puissance.

Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.