Le 30 novembre 2020, Viktor Orban, Premier ministre hongrois, s’est exprimé avec fermeté concernant les relations entre l’Union européenne et ce qu’il nomme le « réseau Soros ». Ses propos ont rapidement fait le tour des médias européens, suscitant diverses réactions au sein de la communauté politique. Cette déclaration s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre Budapest et Bruxelles sur plusieurs questions fondamentales, notamment celle de l’État de droit et de la souveraineté nationale.
Les relations tendues entre Viktor Orban et George Soros
Viktor Orban entretient depuis plusieurs années un rapport conflictuel avec le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros. Cette animosité s’est considérablement intensifiée au cours de la dernière décennie. Le Premier ministre hongrois accuse régulièrement Soros de chercher à influencer la politique européenne par le biais de ses fondations et organisations non gouvernementales.
Dans son discours du 30 novembre 2020, Orban a clairement affirmé que l’Europe ne devrait pas se soumettre à ce qu’il qualifie de « réseau Soros ». Il désigne par cette expression l’ensemble des organisations financées par le milliardaire philanthrope, qu’il considère comme des instruments d’ingérence dans les affaires intérieures des États membres de l’Union européenne.
La Fondation Open Society de George Soros soutient effectivement de nombreuses initiatives à travers l’Europe, particulièrement dans les domaines des droits humains, de la démocratie et de l’éducation. En revanche, l’interprétation qu’en fait Viktor Orban va bien au-delà, suggérant l’existence d’un réseau occulte cherchant à imposer une certaine vision politique au continent européen.
Cette rhétorique s’inscrit dans une stratégie politique plus large du gouvernement hongrois, qui a notamment fait voter en 2018 un ensemble de lois surnommé « Stop Soros », visant à restreindre les activités des ONG travaillant avec les migrants. Ces mesures ont été vivement critiquées par les institutions européennes qui y ont vu une atteinte aux libertés fondamentales.
Souveraineté nationale versus valeurs européennes
Au cœur du conflit entre Orban et les institutions européennes se trouve la question fondamentale de l’équilibre entre souveraineté nationale et valeurs communes européennes. Le Premier ministre hongrois défend une vision de l’Europe où les États membres conserveraient une large autonomie dans leurs choix politiques et sociétaux.
Dans sa prise de position contre le « réseau Soros », Orban articule un discours qui résonne particulièrement auprès des mouvements souverainistes européens. Il affirme que certaines forces cherchent à imposer aux nations européennes des politiques allant à l’encontre des valeurs traditionnelles et des intérêts nationaux, notamment en matière d’immigration et de multiculturalisme.
De l’autre côté, les institutions européennes, soutenues par plusieurs États membres, insistent sur le respect des valeurs fondamentales inscrites dans les traités européens, notamment l’État de droit, la liberté de la presse et l’indépendance de la justice. Ce conflit idéologique se cristallise régulièrement lors des sommets européens où les divergences entre la Hongrie et ses partenaires deviennent manifestes.
Le mécanisme de conditionnalité liant le versement des fonds européens au respect de l’État de droit, adopté fin 2020, a d’ailleurs été perçu par Budapest comme une manœuvre politique visant spécifiquement la Hongrie et la Pologne. Viktor Orban y a vu une tentative d’ingérence dans les affaires intérieures hongroises, renforçant sa rhétorique anti-Soros.
L’impact des déclarations d’Orban sur la politique européenne
Les prises de position de Viktor Orban contre George Soros et ce qu’il nomme son « réseau » ont des répercussions significatives sur l’équilibre politique au sein de l’Union européenne. Elles contribuent à polariser davantage les débats entre les défenseurs d’une intégration européenne plus poussée et les partisans d’une Europe des nations.
Cette rhétorique trouve un écho favorable auprès de certains gouvernements et mouvements politiques en Europe, notamment en Pologne où le parti Droit et Justice (PiS) partage plusieurs des positions défendues par Viktor Orban. Cette alliance informelle entre Budapest et Varsovie a permis de constituer un bloc capable d’influencer certaines décisions au niveau européen, comme on l’a vu lors des négociations sur le budget pluriannuel de l’UE.
La Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a dû adapter sa stratégie face à cette situation. Tout en maintenant la pression sur la Hongrie concernant le respect de l’État de droit, elle cherche à éviter une rupture qui pourrait fragiliser davantage l’unité européenne, déjà mise à mal par le Brexit et les divisions sur la question migratoire.
Les déclarations d’Orban sur le « réseau Soros » s’inscrivent également dans un contexte plus large de montée des discours populistes et nationalistes en Europe. La personnalisation de l’adversaire politique à travers la figure de George Soros permet au Premier ministre hongrois de simplifier des enjeux complexes et de mobiliser son électorat autour d’une rhétorique identitaire et défensive.
Cette stratégie de communication, bien que critiquée par de nombreux observateurs pour ses dérives populistes, s’est révélée efficace sur le plan électoral, permettant à Viktor Orban de maintenir sa position dominante dans le paysage politique hongrois depuis plus d’une décennie.

Leïla explore les mouvements culturels, les idées émergentes et les voix alternatives. Entre entretiens, chroniques et reportages, elle met en lumière celles et ceux qui réinventent notre façon de penser, créer, vivre. Elle aime les marges, les livres, et les cafés bondés.