Macron, Scholz, Draghi et Iohannis à Kiev : ce que leur visite a changé pour l’Ukraine

Le 16 juin 2022, une délégation européenne de haut niveau composée d’Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Mario Draghi et Klaus Iohannis s’est rendue à Kiev pour rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Cette visite historique, survenue près de quatre mois après le début de l’invasion russe, marquait un tournant dans les relations entre l’Ukraine et l’Union européenne. Les quatre dirigeants européens ont affiché leur soutien unanime à l’Ukraine, dans un contexte de guerre qui bouleversait déjà l’équilibre géopolitique du continent européen.

Une visite symbolique au cœur du conflit ukrainien

La venue des quatre chefs d’État et de gouvernement européens à Kiev ne relevait pas du simple geste diplomatique. Elle incarnait un message politique puissant adressé à Moscou. Arrivés en train depuis la Pologne, les dirigeants ont d’abord visité Irpin, banlieue de Kiev ravagée par les combats et théâtre présumé de crimes de guerre russes. Emmanuel Macron n’a pas hésité à qualifier ce qu’il y a vu de « massacres » et de « traces de barbarie ».

Cette visite sur le terrain, dans une zone récemment libérée de l’occupation russe, visait à montrer que l’Europe ne détournait pas le regard face aux souffrances ukrainiennes. « C’est un message d’unité européenne adressé aux Ukrainiens », avait déclaré le président français à son arrivée. Cette solidarité affichée contrastait avec les tensions des semaines précédentes, où certaines déclarations, notamment celles d’Emmanuel Macron sur la nécessité de « ne pas humilier la Russie », avaient suscité l’incompréhension à Kiev.

La présence conjointe des dirigeants français, allemand, italien et roumain confirmait également que malgré leurs approches parfois divergentes, les Européens partageaient une vision commune sur la nécessité de soutenir l’Ukraine. Cette unité était d’autant plus remarquable que la France et l’Allemagne avaient été critiquées pour leur supposée tiédeur initiale face à l’agression russe, contrairement aux pays d’Europe centrale et orientale.

En parcourant les rues dévastées d’Irpin, les quatre dirigeants ont pu constater de visu l’ampleur des destructions et mesurer l’urgence d’une aide concrète. Cette expérience directe du conflit a sans doute contribué à renforcer leur détermination à soutenir l’Ukraine sur le long terme, au-delà des simples déclarations de principe.

Le soutien militaire et financier européen renforcé

Au-delà du symbole, cette visite s’est traduite par des engagements concrets. Lors de leur conférence de presse commune avec Volodymyr Zelensky, les dirigeants européens ont annoncé une intensification de leur aide militaire. Emmanuel Macron a promis la livraison de six canons automoteurs Caesar supplémentaires, s’ajoutant aux douze déjà livrés. L’Allemagne, longtemps hésitante sur les livraisons d’armes lourdes, a confirmé l’envoi de systèmes d’artillerie sophistiqués.

Cette évolution marquait un changement significatif dans la position de certains pays, particulièrement l’Allemagne qui, pour des raisons historiques et économiques, entretenait des relations étroites avec la Russie. Olaf Scholz a ainsi progressivement accepté de franchir des lignes rouges qu’il s’était initialement fixées concernant les livraisons d’armements offensifs à l’Ukraine.

Sur le plan financier, l’Union européenne a également renforcé son soutien avec l’annonce de nouveaux prêts et subventions pour aider l’Ukraine à faire face à ses besoins immédiats. Ces sommes considérables visaient tant à soutenir l’effort de guerre ukrainien qu’à maintenir les services publics essentiels dans un pays dont l’économie était dévastée par le conflit.

La visite a aussi été l’occasion d’évoquer la reconstruction future de l’Ukraine. Mario Draghi, fort de son expertise économique, a insisté sur la nécessité de préparer dès maintenant l’après-guerre, estimant que « le processus de reconstruction sera très coûteux mais constituera aussi une opportunité pour repenser le pays ». Les Européens ont ainsi posé les jalons d’un plan Marshall pour l’Ukraine, comparable à celui qui avait permis la reconstruction de l’Europe occidentale après 1945.

L’accélération historique du processus d’adhésion à l’UE

Le point culminant de cette visite a été l’annonce du soutien unanime des quatre dirigeants à l’octroi du statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne pour l’Ukraine. « Tous les quatre, nous soutenons le statut de candidat immédiat à l’adhésion », a déclaré Emmanuel Macron, marquant un tournant décisif pour Kiev qui attendait ce signal depuis la signature de l’accord d’association avec l’UE en 2014.

Cette décision représentait une accélération sans précédent du processus d’intégration européenne. Traditionnellement, l’obtention du statut de candidat prenait plusieurs années d’évaluations et de réformes préalables. En l’accordant rapidement à l’Ukraine, l’UE reconnaissait implicitement la dimension géopolitique de cette guerre, perçue comme une attaque contre les valeurs européennes elles-mêmes.

Une semaine après cette visite, le 23 juin 2022, le Conseil européen a officiellement accordé le statut de candidat à l’Ukraine et à la Moldavie, concrétisant ainsi l’engagement pris à Kiev. Volodymyr Zelensky a qualifié cette décision de « moment unique et historique dans les relations entre l’Ukraine et l’Union européenne ».

Bien que le chemin vers l’adhésion effective reste long et semé d’embûches, cette reconnaissance a offert une perspective stratégique à long terme pour l’Ukraine. Elle a également envoyé un message clair à la Russie : malgré l’invasion, l’Ukraine poursuivait résolument son ancrage à l’Ouest, rendant irréversible son éloignement de l’orbite russe.

La visite des quatre dirigeants européens à Kiev en juin 2022 a donc marqué un tournant décisif dans le conflit ukrainien. Elle a renforcé la solidarité européenne avec l’Ukraine, accéléré son intégration dans les structures occidentales et posé les bases d’un soutien durable. Plus qu’un simple déplacement diplomatique, elle restera dans l’histoire comme le moment où l’Europe a pleinement assumé ses responsabilités face à la plus grave crise géopolitique sur son sol depuis la Seconde Guerre mondiale.

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