Combien Elon Musk a-t-il réduit les dépenses gouvernementales américaines avec Doge ?

Combien Elon Musk a-t-il réduit les dépenses gouvernementales américaines avec Doge ?

Je suis plongé depuis des semaines dans les méandres des économies budgétaires proclamées par le Department of Government Efficiency (Doge), cette entité créée par Elon Musk à la demande du président Trump. Le milliardaire avait promis de réduire drastiquement les dépenses gouvernementales américaines, une mission dont les résultats chiffrés méritent un examen minutieux. En analysant documents officiels et témoignages d’experts, j’ai cherché à démêler le vrai du flou derrière les économies annoncées.

Les chiffres ambitieux du Doge sous la loupe du journalisme d’investigation

Le 23 avril dernier, lors d’un entretien avec la BBC, le président Trump affirmait fièrement : « Nous parlons de près de 200 milliards de dollars d’économies qui augmentent rapidement. » Cette déclaration s’appuie sur les publications du Doge, qui revendique avoir économisé en moyenne plus de 10 milliards de dollars par semaine depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement. Ces chiffres impressionnants méritent d’être décortiqués avec rigueur.

Initialement, Elon Musk s’était engagé à réduire le budget fédéral de « au moins 2000 milliards de dollars ». Un objectif colossal qu’il a ensuite revu à la baisse, parlant en avril de réaliser 150 milliards d’économies d’ici 2026 en « réduisant la fraude et le gaspillage ». Pour mettre ces chiffres en perspective, le budget fédéral américain de l’exercice précédent s’élevait à 6750 milliards de dollars.

À la fin avril, le site du Doge affichait fièrement 160 milliards de dollars d’économies. Pourtant, mon analyse des données téléchargées le 23 avril révèle que moins de 40% de ce total était détaillé en économies individuelles. Plus préoccupant encore, seulement la moitié de ces économies détaillées était accompagnée de pièces justificatives ou d’éléments de preuve.

Économies annoncées par le Doge Montant (en milliards $) Preuves disponibles
Total revendiqué (au 20 avril) 160 Partielle
Économies détaillées ~64 (40%) Variable
Économies documentées ~32 (20%) Oui

Analyse des quatre principales économies revendiquées

En examinant les quatre économies les plus importantes documentées par le Doge, totalisant selon l’agence 8,3 milliards de dollars, j’ai constaté un décalage troublant entre les chiffres annoncés et la réalité des contrats gouvernementaux. Pour trois de ces économies, le Doge cite des documents du Federal Procurement Data System (FPDS), une base de données répertoriant les contrats fédéraux.

David Drabkin, expert en contrats fédéraux ayant participé au développement du FPDS, m’a expliqué que les montants maximums listés dans cette base de données doivent être interprétés avec précaution. « Le FPDS ne reflète pas le prix réellement payé avant une certaine période après la fin du contrat et l’enregistrement des actions contractuelles », précise-t-il. Autrement dit, le Doge semble comptabiliser des économies sur des sommes qui auraient pu, hypothétiquement, être dépensées dans le futur.

L’économie la plus importante revendiquée par le Doge concerne l’annulation d’un contrat de 2,9 milliards de dollars pour un centre d’accueil de mineurs migrants au Texas. Une source proche du dossier m’a confié que « le chiffre du Doge est basé sur des projections jamais utilisées » et que les économies réelles se situeraient plutôt autour de 153 millions de dollars.

Les trois autres économies majeures présentent des problèmes similaires :

  • Un contrat avec Centennial Technologies de 1,9 milliard de dollars qui aurait déjà été annulé sous l’administration Biden
  • Un contrat de défense avec A1FEDIMPACT de 1,76 milliard dont l’origine du calcul reste mystérieuse
  • Une subvention à Gavi de 1,75 milliard alors que l’organisation affirme n’avoir reçu aucun avis de résiliation

Transparence et méthodologie des réductions budgétaires

Le Doge affirme travailler à la publication de toutes les pièces justificatives de manière « digeste et transparente », indiquant que vers la fin avril, environ 30% des économies totales étaient documentées. Certains justificatifs seraient « indisponibles pour des raisons juridiques ». Cette opacité partielle complique l’évaluation indépendante des résultats.

Des médias américains ont également relevé des erreurs comptables, comme une économie de 8 milliards revendiquée pour l’annulation d’un contrat d’immigration dont la valeur réelle était de 8 millions – une erreur de trois zéros qui interroge sur la rigueur des méthodes employées.

En matière de lutte contre le gaspillage des fonds publics, la transparence et la précision des chiffres constituent le fondement même de la crédibilité. Si l’initiative d’Elon Musk vise à optimiser les dépenses fédérales, la méthode de calcul et la documentation des économies réalisées méritent d’être aussi rigoureuses que l’ambition est grande.

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