Je suis convaincu qu’on ne peut comprendre l’évolution de notre paysage politique sans observer les fluctuations d’influence des figures qui l’animent. Le dernier sondage AP-NORC révèle un phénomène particulièrement intéressant : alors qu’Elon Musk gagne en pouvoir à Washington, sa cote de popularité auprès des Américains s’érode significativement.
Le déclin d’une figure autrefois adulée
Les chiffres sont parlants : seulement 33% des Américains entretiennent aujourd’hui une opinion favorable d’Elon Musk, contre 41% en décembre dernier. Cette chute intervient précisément au moment où le milliardaire s’est imposé comme l’architecte principal de la réforme administrative voulue par Donald Trump. Armé de sa tronçonneuse symbolique et de ses publications nocturnes sur les réseaux sociaux, Musk est devenu le visage public de cette croisade contre ce que l’administration Trump considère comme un État fédéral hypertrophié.
« Il a cru à sa propre légende », confie Ernest Pereira, un technicien de laboratoire démocrate de 27 ans que j’ai pu interviewer. Ce sentiment semble partagé par une majorité d’Américains, puisque près de deux tiers d’entre eux estiment que l’entrepreneur a exercé une influence excessive sur le gouvernement fédéral ces derniers mois.
Plus révélateur encore, alors que Musk s’apprête à quitter progressivement ses fonctions administratives, son projet de réduction des effectifs fédéraux rencontre davantage d’approbation que sa personne. Environ la moitié des sondés considère que Trump est allé trop loin dans cette direction, quand 30% estiment qu’il a trouvé le bon équilibre et 14% souhaitent même des coupes plus profondes.
Une polarisation politique croissante autour du personnage
L’analyse démographique du sondage met en lumière une fracture partisane particulièrement marquée. Tandis que 70% des républicains conservent une image positive de l’entrepreneur, seuls 10% des démocrates et 20% des indépendants partagent cette opinion. Cette polarisation se reflète également dans la perception de son influence : 90% des démocrates et 70% des indépendants la jugent excessive, contre seulement 40% des républicains.
Le parcours politique de Musk illustre parfaitement cette évolution idéologique. Autrefois champion de la lutte contre le changement climatique et soutien de candidats démocrates, il dénonce aujourd’hui ce qu’il appelle « le virus de l’idéologie woke » et s’inquiète de l’effondrement de la civilisation occidentale face à l’immigration illégale et aux dépenses publiques.
Mark Collins, un responsable d’entrepôt du Michigan plutôt attiré par les républicains ces dernières années, m’a déclaré : « Il dirige ses entreprises d’une main ferme, et le gouvernement a définitivement besoin d’être resserré. Il nettoie toutes les ordures. J’adore ce qu’il fait. »
Groupe | Opinion favorable | Estime son influence excessive |
---|---|---|
Républicains | 70% | 40% |
Indépendants | 20% | 70% |
Démocrates | 10% | 90% |
Les limites d’une approche entrepreneuriale du pouvoir
Le Département pour l’Efficacité Gouvernementale (DOGE), créature de Musk née pendant la campagne présidentielle, a provoqué un véritable électrochoc dans l’administration fédérale. Ses méthodes ont conduit à :
- Des licenciements massifs de fonctionnaires
- L’annulation de nombreux contrats publics
- La paralysie temporaire d’agences entières
- Des révisions drastiques d’objectifs budgétaires
Après avoir initialement annoncé vouloir réduire les dépenses d’un trillion de dollars, Musk a revu ses ambitions à la baisse, visant désormais 150 milliards – un objectif qui reste difficile à atteindre. Cette réalité illustre le décalage entre les promesses spectaculaires et les contraintes institutionnelles.
Susan Wolf, une retraitée de 75 ans de Pennsylvanie non affiliée à un parti, résume bien ce sentiment : « Il pense qu’on dirige un gouvernement comme une entreprise. Ce n’est pas le cas. L’un existe pour le bien du peuple, l’autre pour le profit de l’entreprise. »
Ayant couvert les arcanes administratives pendant des années, je constate que cette tension entre logique entrepreneuriale et service public n’est pas nouvelle, mais rarement elle n’a été incarnée avec autant d’éclat. Le retrait progressif de Musk vers Tesla, dont les résultats financiers ont souffert de son absence, marque peut-être la fin d’une expérience administrative sans précédent, mais dont les effets continueront de se faire sentir dans notre paysage institutionnel.

Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.