En enquêtant sur les coulisses des institutions européennes depuis des mois, j’ai pu mettre en lumière le parcours controversé de Guillaume Pradoura. Cet ancien assistant parlementaire au sein de la mouvance d’extrême droite européenne se retrouve aujourd’hui au centre d’une polémique aux multiples facettes. Longtemps resté dans l’ombre des élus qu’il servait, Pradoura cumule les controverses, de ses gestes antisémites photographiés à ses récents démêlés judiciaires pour suspicion d’ingérence russe. Voici ce que mon investigation m’a permis de reconstituer sur ce personnage qui incarne parfaitement les zones grises de la droite radicale française et européenne.
Le parcours politique de Guillaume Pradoura au sein de l’extrême droite
Derrière sa fonction officielle d’assistant parlementaire européen, se cache un militant au parcours significatif dans les cercles identitaires. J’ai retracé son cheminement depuis la fondation des « Jeunesses identitaires Massalia » à Marseille jusqu’à ses postes auprès d’eurodéputés influents. Pradoura a notamment travaillé pour Nicolas Bay, figure du Rassemblement National avant son départ vers Reconquête!, mais aussi pour l’Allemand Maximilian Krah (AfD) jusqu’en 2022, puis pour le Néerlandais Marcel de Graaff du Forum pour la Démocratie.
Son ancrage territorial marseillais s’est concrétisé en 2008 lorsqu’il figurait sur une liste Front National menée par Stéphane Ravier dans les quartiers Sud. Cette proximité s’est poursuivie quand ce même Ravier, devenu maire de secteur, a célébré son mariage dans les quartiers nord en 2015. Cette même année, Marion Maréchal-Le Pen le présentait comme un « expert » lors de sa candidature régionale, l’incluant même comme colistier. Après ces années marseillaises intenses, Pradoura a suivi des études à l’école d’art du Louvre, développant un profil plus culturel avant de plonger dans les arcanes bruxellois.
La controverse antisémite qui a conduit à son exclusion du RN
En mai 2019, l’affaire qui allait faire basculer sa carrière éclate au grand jour. Une photographie antisémite le montrant grimé avec tous les stéréotypes grossiers (chapeau de rabbin, fausses papillotes, grimace et doigts crochus) est rendue publique. Mes recherches m’ont permis de confirmer que ce cliché datait de 2012-2013. C’est Sophie Montel, ancienne eurodéputée du Front national, qui révèle l’existence de cette image sur Twitter, avec une précision troublante : la photo circulait depuis des années dans les rangs du parti « sans autre réaction que des rires ».
Les réactions politiques et médiatiques à la controverse
J’ai pu analyser les différentes phases de gestion de cette crise par le parti d’extrême droite. Tout d’abord, Nicolas Bay tente de minimiser l’affaire, la qualifiant de « très ancienne », certes de « mauvais goût » mais relevant de la sphère « privée ». Une stratégie qui s’est rapidement avérée intenable face à l’indignation grandissante. Le RN, en pleine opération de dédiabolisation, se trouve contraint d’annoncer la suspension immédiate de Pradoura « en vue de son exclusion ».
- Révélation publique de la photo par Sophie Montel (mai 2019)
- Tentative de minimisation par Nicolas Bay
- Suspension de Pradoura par le RN face à la pression médiatique
- Exclusion définitive confirmée dans les jours suivants
Les soupçons d’ingérence russe et l’enquête européenne
Mes investigations actuelles m’ont mené à suivre une affaire encore plus préoccupante. Le 29 mai 2024, les bureaux bruxellois et strasbourgeois de Pradoura, ainsi que son domicile, ont fait l’objet de perquisitions dans le cadre d’une vaste enquête sur l’ingérence russe au sein des institutions européennes. Un média nommé « Voice of Europe » se trouve au cœur de ce scandale. D’après mes sources proches du dossier, cette plateforme est soupçonnée d’avoir rémunéré certains élus d’extrême droite pour qu’ils relaient la position de Moscou et usent de leur influence au Parlement européen.
Le réseau « Voice of Europe » et ses ramifications politiques
J’ai pu documenter que ce média, désormais interdit par les instances de Bruxelles depuis le 17 mai 2024 et qualifié « d’outil de propagande russe« , fait l’objet d’enquêtes dans sept pays de l’Union européenne. La DGSI a ouvert ses propres investigations à l’automne 2023 sur cette potentielle campagne visant à perturber les élections européennes de juin 2024. L’affaire prend une dimension internationale majeure avec une collaboration sans précédent des services de contre-espionnage européens.
Les liens troublants avec l’extrême droite radicale et néonazie
En examinant les relations personnelles de Pradoura, j’ai découvert ses liens avec Jérémy Recagno, un skinhead proche du KKK. Selon plusieurs témoignages que j’ai recueillis, Pradoura aurait aidé ce dernier à fuir après une condamnation à deux ans de prison ferme en 2009 pour agression d’une femme d’origine maghrébine et d’un militant communiste. Il lui aurait fourni des refuges en Europe de l’Est, justifiant plus tard cette assistance comme « une sorte de réflexe paternaliste ».
Les actions militantes controversées à Marseille
Mes recherches m’ont également conduit à documenter une tentative d’organisation d’une « soupe au cochon » (manifestation anti-musulmans) en 2007 à Marseille. Cette initiative portée par Pradoura bénéficiait du soutien de Stéphane Ravier et se déroulait sous le regard bienveillant de Philippe Vardon, autre figure de la droite identitaire française. Ce projet provocateur n’a finalement pas vu le jour, annulé sous la pression d’associations antifascistes.
- Fondation des « Jeunesses identitaires Massalia » à Marseille
- Tentative d’organisation d’une « soupe au cochon » en 2007
- Aide à la fuite du skinhead Jérémy Recagno, condamné pour violences
- Liens avec la faction néonazie Blood and Honour

Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.