Je me suis rendu au cœur du Texas pour enquêter sur un phénomène qui transforme le paysage énergétique américain. Dans la petite ville de Granbury, des résidents comme Cheryl Shadden vivent désormais avec un vrombissement constant qui perturbe leur quotidien. « C’est comme habiter à côté d’une piste d’aéroport », m’explique cette Texane de 62 ans, casquette à motif léopard sur la tête, en me faisant visiter sa propriété. La source de ce bourdonnement incessant? Un immense centre de minage de Bitcoin installé à seulement 300 mètres des habitations.
Le bourdonnement contesté des mines numériques texanes
À Granbury, la tranquillité rurale a été bouleversée depuis l’été 2022. Dans plus d’une centaine de conteneurs métalliques, des milliers d’ordinateurs fonctionnent jour et nuit pour résoudre des équations complexes et « miner » la célèbre cryptomonnaie. Les systèmes de refroidissement génèrent un bruit permanent qui affecte sérieusement la santé des riverains. Maux de tête, vertiges, problèmes auditifs… les médecins locaux ont constaté une augmentation significative de ces symptômes.
« Nous n’aurions jamais emménagé ici si nous avions su », me confie Tosha Cross, qui habite avec sa famille dans une résidence mobile juste à côté du centre. Karen Pearson, installée dans la région depuis plus de trois décennies, ajoute avec amertume: « Nous voulons retrouver notre vie d’avant. » Face à cette situation, un groupe de résidents a intenté une action en justice contre Mara Holdings, l’exploitant du site.
Cette entreprise, évaluée à quatre milliards de dollars, possède 16 centres similaires à travers le pays. Malgré un chiffre d’affaires de 660 millions de dollars en 2024, Mara a enregistré une perte de près de 200 millions. Un pari risqué sur l’avenir d’une technologie dont la rentabilité immédiate n’est pas garantie.
Impact environnemental et consommation énergétique démesurée
Les panneaux « BITCOIN SUX » (comprendre: « Bitcoin, c’est nul ») plantés face au centre de minage témoignent de l’exaspération locale. Mais au-delà des nuisances sonores, c’est tout un écosystème qui se trouve bouleversé par cette industrie énergivore. La consommation électrique des centres de minage texans équivaut à celle de 2,6 millions de foyers. Une situation particulièrement problématique dans un État déjà confronté à des défis énergétiques majeurs.
La pression sur les ressources ne s’arrête pas à l’électricité. Ces infrastructures nécessitent également:
- Des quantités considérables d’eau pour les systèmes de refroidissement
- Une utilisation intensive de combustibles fossiles
- Des terrains souvent situés près des zones habitées
- Des infrastructures électriques renforcées
À Corsicana, toujours au Texas, se construit actuellement extrêmement le plus grand centre de minage Bitcoin au monde, attisant davantage les controverses. Et Granbury n’est pas un cas isolé: des situations similaires se répètent en Caroline du Nord, au Colorado, dans l’Ohio et dans d’autres États américains.
Le soutien politique et les intérêts financiers
En mars dernier, j’ai pu observer comment le président Donald Trump accueillait les représentants de l’industrie cryptographique à la Maison Blanche. Lors de ce « sommet crypto », il a promis de faire des États-Unis la « superpuissance mondiale du Bitcoin » et annoncé la création d’une réserve stratégique de cryptomonnaies. David Sacks, responsable crypto du gouvernement, l’a même comparée à « une sorte de Fort Knox numérique », en référence au célèbre dépôt d’or américain.
Enjeux du minage au Texas | Impact mesuré |
---|---|
Consommation électrique | Équivalent à 2,6 millions de foyers |
Niveau sonore | Jusqu’à 85 décibels en limite de propriété |
Emplois créés | Relativement faibles par rapport à l’investissement |
Mesures d’atténuation | Murs anti-bruit, systèmes de refroidissement alternatifs |
Mara Holdings affirme respecter la limite légale de 85 décibels établie par l’État du Texas et avoir pris des mesures d’atténuation comme la construction d’un mur d’enceinte et le remplacement partiel des ventilateurs par un système de refroidissement moins bruyant. Mais pour les riverains que j’ai rencontrés, ces améliorations restent insuffisantes face au bourdonnement perpétuel qui a envahi leur quotidien.
Ce qui interpelle dans mon investigation, c’est le décalage entre les subventions généreuses accordées à cette industrie et son utilité sociale contestée. Alors que l’administration Trump promet de mettre fin à ce qu’elle qualifie de « guerre réglementaire » menée par Biden, les questions fondamentales sur la pertinence de cette technologie énergivore dans un contexte de crise climatique restent sans réponse satisfaisante.

Analyste politique rigoureux, Thomas décrypte les mécanismes du pouvoir et les décisions publiques avec clarté et esprit critique. Son credo : rendre lisible ce qui est volontairement complexe. Amateur de romans noirs et de débats de fond.